"Papet, quand viens-tu découvrir le pilat?"
Pour un vieux Bigourdan ayant passé sa vie à gravir les sommets des belles Pyrénées et à parcourir l'Alpes du Grossglockner à la Cougourde, cette proposition me laissa bien perplexe. Le mot Pilat évoquait les sables aquitains, les délices landais et le ski sur aiguilles de pins de mes jeunes années. Mais Paul-Louis insista, parlant traîtreusement de tartes aux myrtilles et des parfums de violette d'un verre de Côte-Rotie, arguments propres à convaincre un tout nouveau sexagénaire.
Le parfum de violette fut bien au rendez-vous...nous partîmes d'Ampuis par de rudes sentiers parcourant les allées des vignes mordorées tout justes vendangées. Traversant les plateaux aux belles croix de pierre, de vergers en sous-bois, tu m'as fait découvrir les beautés médiévales de La Vieille Chapelle et le Pas de Samson et la Grotte aux Fées . J'ai goûté aux mystères du Château de Bélize sous les hêtres moussus aux formes torturées et les rugueux chirats aux couleurs vert de gris égaillés de sorbiers aux grappes incarnat. Le doux soleil d'automne réchauffa la clairière pour la pause, la sieste réparatrices et le récit de légendes. Et je me pris à penser.. «Pas si mal ce Pilat! Et ses Pierres qui chantent».
Et je suis revenu...
Quelle belle journée d'été! De paisibles vallons en terribles montées. Et ces folles descentes de sentiers rocailleux...équilibres précaires... « Fais attention, ça glisse!». Nous avons rencontré en un lieu improbable un tunnel ferroviaire où j'ai bien cru entendre le tactac-tactac obstiné de l'antique Galoche qui parcourrait jadis ces paisibles vallées. Quel beau pays quand même!
J'ai connu du Pilat trois des quatre saisons profitant au printemps de tout l'or des genêts. Il n'y a que l'hiver que je ne connais pas. Mais j'ai vu tes photos! Et les arbres givrés et cuirassés de glace ne pouvaient qu'attirer un vieux coureur de crêtes. Et j'attends ton courriel concis et sans appel : «Il a neigé là-haut. Arrive avec tes raquettes!» J'entends déjà fort bien le froissement soyeux de nos foulées, glissant sur l'acide borique des neiges pailletées pas le froid de la nuit. Les sous bois de silence... et les arbres chargés pencheront sur nos trace. Et après les efforts d'une rude journée, malmenés par le vent qui hurle sur les crêtes, nous planterons nos batons devant la Jasserie au granit rassurant. Un bon feu ronflera et nous dégusterons la tarte aux myrtilles en buvant un vin chaud aux senteurs de cannelle, faisant d'autres projets dans ce si beau pays.
Pilat, tu as une âme et j'ai été conquis.